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Publiées pour la première fois respectivement en 2008 et 2011, CAN/ULC-S741 et CAN/ULC-S742 sont les premières normes canadiennes pour l’étanchéité à l’air. Ces normes sont des spécifications puisque non seulement indiquent-elles comment mesurer le taux de fuite d’air des matériaux et ensembles, mais on retrouve dans chacune des seuils de performance à atteindre. Il est d’autant plus facile pour les professionnels de reconnaître les niveaux de performance atteints par les matériaux ou ensembles mis à l’essai selon S741 et S742.

Introduction

Au cours des années 1970, les travaux réalisés par les chercheurs du CNRC ont progressivement démontré l’importance de la gestion des fuites d’air dans les bâtiments. Le concept de matériau pare-air (originalement appelé pare-vent) est introduit au cours de la décennie suivante, dans l’édition 1985 du CNB.

À cette époque, on cerne le problème : les fuites d’air non contrôlées transportent avec elles des quantités importantes d’humidité. Les professionnels s’adaptent graduellement, mais les fonctions de pare-air et de pare-vapeur sont souvent confondues. Le choix et le positionnement des matériaux dans les assemblages ne sont pas toujours au point, si bien que des erreurs de conception ou de construction sont la cause de déficiences majeures, telles que la croissance de moisissures, la dégradation par pourriture de matériaux structuraux utilisés dans des assemblages de murs ou même des matériaux gorgés d’eau qui éclatent en hiver.

Dès les années 1990, le CNB a commencé à prescrire un taux de fuite d’air maximal pour les murs extérieurs, sans pour autant préciser comment mesurer cette propriété sur des matériaux, des systèmes, etc. De manière intéressante, c’est d’abord du côté américain qu’ont été développées les méthodes de mesure du taux de fuite d’air d’un matériau de construction. Il y a 15 ans, la norme ASTM E2178 a vu le jour et, depuis ce temps, il est possible de mesurer le taux de fuite d’air de divers matériaux de construction.

Au Canada, c’est respectivement en 2008 et en 2011 que sont publiées les premières versions des normes CAN/ULC-S741 et CAN/ULC-S742. Certains diront qu’elles ne sont que la version canadienne des normes ASTM E2178 et E2357. Mais elles sont bien plus que cela. Il est vrai qu’elles reprennent les mêmes conditions d’essai des normes ASTM, mais là s’arrête la comparaison.

Que sont CAN/ULC-S741 et S742?

D’entrée de jeu, il est important de préciser que les normes ASTM E2178 et E2357 sont des méthodes d’essai. Elles indiquent comment procéder à l’évaluation de matériaux ou assemblages pare-air afin d’en connaître le taux de fuite d’air. Ces normes n’établissent aucun seuil de performance et, par conséquent, aucun matériau ou assemblage pare-air ne peut prétendre respecter ni excéder les exigences de ces normes. La mise à l’essai d’un matériau pare-air selon ASTM E2178 ou d’un ensemble pare-air selon ASTM E2357 produit un résultat numérique correspondant au taux de fuite d’air ou à la perméance du matériau ou de l’ensemble. Ce résultat numérique peut ensuite servir à comparer les matériaux entre eux ou encore à démontrer le respect d’une exigence présente dans un code de construction.

Les normes CAN/ULC-S741 et S742 sont, quant à elles, des spécifications. Non seulement indiquent-elles comment mesurer le taux de fuite d’air des matériaux et ensembles (en se référant aux normes ASTM ci-dessus), mais on retrouve dans chacune des seuils de performance à atteindre. Il est d’autant plus facile pour les professionnels de reconnaître les niveaux de performance atteints par les matériaux ou ensembles mis à l’essai selon S741 et S742. D’un côté, la norme S741 précise qu’il est insuffisant de simplement indiquer « pass » lorsque l’exigence de la norme a été respectée par le matériau pare-air soumis à l’essai. Le résultat (numérique) de perméance doit être clairement exprimé, ce qui facilite les comparaisons. Pour les ensembles pare-air, une classification à 5 niveaux (A1 à A5), basée sur le taux de fuite d’air, est intégrée dans la norme S742.

CAN/ULC-S741 – La mesure des matériaux

La norme CAN/ULC-S741, intitulée « Norme sur les matériaux d’étanchéité à l’air – spécification », établit comment évaluer des matériaux pare-air pour en définir le taux de fuite d’air et la perméance à l’air. Elle prescrit l’utilisation de la méthode d’essai présentée dans la norme ASTM E2178, tout en énonçant clairement que pour satisfaire la norme S741 le maximum possible de perméance est de 0,02 L/s•m². Les matériaux doivent satisfaire cette exigence dans les deux directions (infiltration et exfiltration), autant à l’état neuf qu’après une période de conditionnement/vieillissement composée d’expositions aux rayons ultraviolets puis à la chaleur.  De plus, le résultat de perméance après conditionnement ne peut excéder le résultat à l’état neuf que de 10 % ou 0,001 L/s•m². On s’assure ainsi que le matériau pare-air offre une durabilité minimale en service.

L’offre commerciale de matériaux pare-air est aujourd’hui très étoffée. On retrouve des produits en feuille, fixés à la structure ou autocollants, de même que des produits liquides destinés à une pose au rouleau ou par pulvérisation. Ils peuvent être fabriqués à partir de fibres organiques ou de plastiques synthétiques, et être préassemblés en usine ou en chantier. Certains isolants peuvent se qualifier comme matériaux pare-air. Les propriétés de tous ces produits sont aussi variées que leur composition, mais la norme S741 fait en sorte qu’ils soient tous testés de la même façon pour déterminer leur efficacité contre les fuites d’air. La norme ne mesure que les matériaux seuls, sans joints, détails, ni accessoires, ce qui permet de tester tous les types de produits sans distinction.

CAN/ULC-S742 – La mesure des ensembles

La norme CAN/ULC-S742, intitulée « Norme sur les ensembles d’étanchéité à l’air – spécification », vise quant à elle les ensembles d’étanchéité à l’air utilisés dans les bâtiments (de faible hauteur et de grande hauteur), c’est-à-dire la combinaison de matériaux d’étanchéité à l’air et leurs accessoires. Elle inclut les conditions d’essai pour la mesure du taux de fuite d’air d’un spécimen représentatif d’un ensemble d’étanchéité à l’air et définit les niveaux de performance que ces ensembles doivent atteindre. Ces mesures permettent de déterminer le taux de fuite d’air de l’ensemble d’étanchéité à l’air à une différence de pression de référence, avant et après l’exposition aux cycles de surcharges dues au vent. À chaque ensemble d’étanchéité à l’air testé est ainsi attribuée une classification (A1 à A5).

Pour réaliser les essais selon S742, il faut se référer aux assemblages et directives de la norme ASTM E2357. L’ensemble d’étanchéité à l’air est installé dans 2 cadres de 2,4 m sur 2,4 m. L’installation doit se faire de la manière la plus représentative de l’installation en chantier tel que recommandé par le fabricant. Cela inclut l’utilisation d’apprêt, le scellement des chevauchements et le renforcement du périmètre, le cas échéant.

Dans le premier cadre, l’ensemble est installé sans aucune pénétration des matériaux pare-air. Des chevauchements doivent être présents dans le cas de matériaux pare-air discontinus (en feuille ou en panneaux). Dans le second cadre, diverses pénétrations typiques rencontrées sur un mur extérieur sont ajoutées à l’ensemble : fenêtre, conduit carré en métal galvanisé, tuyau de PVC, boîtes de jonction et attaches à maçonnerie. Toutes ces pénétrations sont scellées selon les recommandations du fournisseur de l’ensemble d’étanchéité à l’air. Chaque cadre est ensuite testé individuellement.

Lors de l’essai, le cadre est placé comme séparateur entre deux chambres climatiques et un système contrôlé par l’opérateur de l’essai permet de générer une différence de pression d’air (infiltration et exfiltration) de part et d’autre de l’ensemble d’étanchéité à l’air. La différence de pression varie de 25 à 300 Pa au cours de l’essai et l’appareil mesure le taux de fuite d’air à travers l’ensemble. C’est ici que la référence à la norme ASTM E2357 s’arrête.

Après avoir subi ce premier essai, chaque cadre est exposé à une série de pressions d’air (en infiltration et exfiltration) simulant des surcharges dues au vent. Des pressions statiques minimales de 450 Pa maintenues pendant une heure et des rafales de 3 secondes atteignant un minimum de 980 Pa sont ainsi appliquées sur chaque cadre. La déflexion de l’ensemble d’étanchéité à l’air est mesurée durant cette période de conditionnement afin de guider les professionnels dans le choix des matériaux.

La mesure du taux de fuite d’air est ensuite répétée deux fois sur chaque cadre. La première s’effectue à température ambiante du laboratoire, et la seconde en induisant une différence de température de 40°C de part et d’autre de l’ensemble d’étanchéité à l’air (-20°C du côté extérieur et 20°C du côté intérieur). Pour qu'un ensemble d’étanchéité à l’air soit classé A1 (la classification la plus exigeante), le taux de fuite d'air le plus élevé mesuré pour cet ensemble dans les diverses conditions ne doit pas excéder 0,05 L/s•m² à une différence de pression de 75 Pa.

Et les toitures?

Les normes ASTM E2178 et E2357 ont été développées principalement pour les matériaux et ensembles d’étanchéité à l’air pour les murs. Ce sont d’ailleurs des assemblages de murs extérieurs qui sont évalués selon E2357 dans la quasi-totalité des essais réalisés par les laboratoires. On le sait, une des clés de la performance du système d’étanchéité à l’air d’un bâtiment est la continuité. Cela inclut les jonctions entre les ensembles (notamment mur – fondation et mur – toiture), mais aussi la portion du système d’étanchéité à l’air au niveau de la toiture.

Avant l’apparition de S742, les professionnels étaient sans ressources quant au niveau de performance d’étanchéité à l’air des toitures. Un avantage significatif de la norme S742 est que « Lorsque le plan d’étanchéité à l’air désigné est un toit à faible pente et que la membrane d’étanchéité fait fonction de matériau d’étanchéité à l’air », un tel ensemble se verra accorder par défaut une classification A4 (taux de fuite d’air maximal de 0,2 L/s•m²), sans avoir à subir un essai d’étanchéité à l’air. Pour obtenir une meilleure classification, les systèmes de toiture à membrane pour lesquels la norme CSA A123.21 s’applique pourront être mis à l’essai en utilisant les paramètres de la norme CSA A123.21. Ils pourront donc être testés en position horizontale normale plutôt que de tenter de les placer à la verticale pour leur faire subir les essais prévus selon la norme ASTM E2357.

Conclusion

Le cadre normatif canadien s’est amélioré avec les normes CAN/ULC-S741 et S742. Ces normes procurent un niveau de confiance supérieur relativement aux performances attendues des matériaux et ensembles d’étanchéité à l’air utilisés au Canada. Les exigences intégrées dans ces normes sont en phase avec celles du CNB qui d’ailleurs a intégré une référence à CAN/ULC-S742 dans son édition 2015 (Division B, partie 9). Le nombre de références à S741 et S742 dans les devis devrait augmenter au même rythme que le nombre de professionnels qui les connaissent.